Tuesday, January 29, 2008

Sehnsucht

Exil. Du latin exsilire, « sauter hors de »
Expulsion de quelqu’un hors de sa patrie, avec défense d’y rentrer ; situation de la personne ainsi expulsée. Par extrapolation littéraire : obligation de séjourner hors d’un lieu, loin d’une personne que l’on regrette.
Situation de quelqu’un qui est obligé ailleurs de vivre ailleurs que là où il est habituellement
Exil volontaire : qu’on s’impose selon les circonstances, le danger (= expatriation)

La représentation commune de l’exil part de l’idée que chacun est attaché à quelque chose de fixe (le plus souvent un lieu, auquel la personne est rattachée par une histoire, des racines : « mère-patrie », maison familiale, lieu de l’enfance… mais on peut aussi penser à une culture particulière). Cet objet est connu et familier, et fait partie de l’identité de la personne à tel point qu’elle sent une profonde concordance entre elle et cet endroit, elle s’y sent « chez elle », en adéquation avec ce qui l’entoure. Une personne est rarement seule à être rattachée à un endroit, et tous ceux ayant en commun cet attachement profond à un lieu particulier peuvent être définis comme une communauté. L’exil est pensé comme le fait de s’éloigner de cet endroit, que ce soit forcé (expulsion) ou volontaire (expatriation), les réfugiés se situant à la frontière, floue, des deux possibilités. Dans tous les cas, l’exil est vécu comme une blessure, source de nostalgie pour ce qu’on a quitté : la nouvelle situation est différente de celle où l’on se sent à sa place, donne une sensation de décalage et d’étrangeté et induit un manque, la souffrance de la séparation d’avec le lieu et les siens.
Et si la situation était inversée ? Si l’on se sentait décalé dans l’univers qui devrait être le nôtre, étranger au milieu de ses « semblables », exilé interne ? Si, simplement, l’on recherchait l’étrange et le décalage, rejetant le connu et le familier ? L’exil serait alors un choix, et pas source de souffrance ; l’éloignement, le voyage, le dépaysement ne seraient non plus nostalgie mais extase. Fuite ? Mouvement perpétuel ? Ou recherche de ce que l’on reconnaîtra comme « chez soi » ?

« Le retour, en grec, se dit nostos. Algos signifie souffrance. La nostalgie est donc la souffrance causée par le désir inassouvi de retourner. Pour cette notion fondamentale, la majorité des Européens peuvent utiliser un mot d’origine grecque (nostalgie, nostalgia) puis d’autres mots ayant leurs racines dans la langue nationale : añoranza, disent les Espagnols, saudade, disent les Portugais. Dans chaque langue, ces mots possèdent une nuance sémantique différente. Souvent, ils signifient seulement la tristesse causée par l’impossibilité de retour au pays. (…) Les Allemands utilisent rarement le mot nostalgie dans sa forme grecque et préfèrent dire Sehnsucht : désir de ce qui est absent ; mais la Sehnsucht peut viser aussi bien ce qui a été que ce qui n’a jamais été (une nouvelle aventure) et elle n’implique donc pas nécessairement l’idée d’un nostos.
(…)Calypso, ah Calypso ! Je pense souvent à elle. Elle a aimé Ulysse. Ils ont vécu ensemble sept ans durant. On ne sait pas pendant combien de temps Ulysse avait partagé le lit de Pénélope, mais certainement pas aussi longtemps. Pourtant on exalte la douleur de Pénélope et on se moque des pleurs de Calypso. »
(Milan Kundera, L’ignorance)







Sehnsucht (suite)






Sehnsucht (fin)